Mon Papi

Mon papi il est né en 1920, 1920 ! C’était il y’a 92 ans… En 1920 en Bretagne on parlait pas encore totalement français, l’instituteur pouvait même frapper si on parlait breton à l’école me disait mon papi, et il y’avait encore des lampes à pétrole pour s’éclairer, je le sais car mon papi, une fois, quand il était tout jeune, genre 6-8 ans, il a bu ce qu’il y’avait dans une bouteille posée sur la table et en fait c’était du pétrole (c’est transparent le pétrole des lampes) et du coup, selon lui, c’est la seule fois où il est allé voir un docteur en 80 ans ! Moi je le crois pas trop sur ce coup là car il s’est fait tirer dessus à la guerre, en Indochine, au bras, même qu’un jour il m’a montré sa cicatrice et moi je l’imaginai dans sa tenue militaire qu’il mettait pour aller jardiner mais au lieu des choux et des limaces ben c’était des fromagers et des éléphants et des vallées escarpées, et il faisait chaud, très chaud. Moi j’y suis allé aussi des années après, en Indochine, sauf que maintenant ça s’appelle le Cambodge et le Vietnam. Mais c’était pas pareil.

La guerre, oui, mon papi il a fait la guerre ! Il est même Chevalier de la Légion d’Honneur ! Chevalier ! Il a même eu 2 Croix de Guerre ! Il était pas en France en 1938, il était dans l’armée française de De Gaulle, mais j’en suis pas vraiment sûr, il a jamais vraiment aimé raconté cet épisode de sa vie. Je me suis toujours dit que c’était parce qu’il avait tué des gens. ça impressionne de tuer des gens. Mais des fois il se lâchait à table, à Noël, et il racontait une anecdote, une fois il a franchit la ligne de démarcation pour aller voir ma mamie et il avait ses rangers de l’armée française et il a failli se faire contrôler par l’armée allemande. C’était pas des rigolos. Et puis mon papi il a débarqué en Provence en août 1944, ça aussi ça m’a toujours impressionné, et puis il est remonté jusqu’en Allemagne avec ses copains, il a même tenu un carnet de bord, j’ai jamais osé lui demandé de le lire. Une fois il l’a montré à mon correspondant allemand quand j’avais 14 ans, je trouvais ça beau, la Paix. Et mon papi il a été en Indochine, et puis en Algérie. Il a fini Adjudant Chef, « Adjudant Chef Lugué au rapport ! » qu’il disait. Après il a eu des enfants, alors ça devenait risqué de partir comme ça. Du coup il est rentré. Il a quand même continué un peu, dans l’infanterie, armée coloniale à Dakar, c’est là où ma maman est née.

Il avait 18 ans au début de ses guerres. une dizaine de plus quand il en a fini. Ma mamie elle était amoureuse de lui depuis toute petite, elle le regardait quand il allait amener les vaches au pré. Ma mamie elle était plus jeune, 9 ans de moins, c’est beaucoup quand t’es jeune et moins quand t’es vieux je me suis toujours dit. Et puis ils se sont toujours aimés. Ils ont eu 4 enfants quand même.

Et puis, toutes ses aventures ça l’a calmé, mon papi, garde chasse la semaine, jardinier le WE, la retraite, de la bonne soupe le samedi soir, des noix toutes prêtes pour ses petits enfants, sa « cheulatte » du soir ou son rouge du midi. Mes étés passés chez eux, en Bretagne. La Nature. Les châtaignes grillées. Les cabanes.

Un papi droit dans ses bottes, qui marchait au pas. Des ongles nickels, une coupe droite, rasé de près. Toujours. Pas toujours facile à vivre. Mais un beau sourire. Mon papi quoi.

Et puis la vie qui nous rattrape…

Tu vas me manquer papi.

shigaepouyen

Aventurier à l'Opinel, mono-maniaque à temps partiel, chef de projet mobile le reste du temps.

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3 réponses

  1. Hélène Dieu dit :

    De tout coeur avec toi et ta famille.

  2. Laetitia Grossemy dit :

    Hé, il est beau cet article.

  3. Max' dit :

    J’avais lu cet article dès sa parution… Je tombe de nouveau dessus… Quel hommage JC, une belle plume pour un homme « hors norme » que tu aimais! En retard, mais toutes mes condoléances…
     

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