Codéveloppement professionnel

Lors du 4° congrès d’hiver de MIAGE Connection, j’ai eu l’occasion d’animer une session de Codéveloppement professionel.

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En quoi consiste le Codéveloppement professionnel ?

Il s’agit d’une méthode venue du Canada*, qui consiste à réunir des personnes pour trouver ensemble des solutions aux problèmes de l’une d’entre elles.

Le groupe choisit donc quel est le « client » pour la séance, c’est à dire la personne qui va présenter son problème et demander des solutions aux autres. Les autres personnes seront les « consultants » qui proposeront leurs idées et leurs solutions. Enfin, il y a un animateur dont le rôle est de faciliter le déroulement de la séance.

Cette méthode peut être appliquée au sein d’une entreprise, ou bien entre des personnes d’entreprises différentes. Il n’est pas nécessaire qu’ils fassent tous le même métier ; en fait moins on connait le sujet, plus c’est intéressant ! La seule contrainte, c’est d’éviter de mettre dans le même groupe un employé et son responsable hiérarchique. La raison évidente, c’est que si le problème de l’employé est lié à son patron, il ne pourra pas parler librement !

Une seule condition à respecter pour participer : il faut en avoir envie. On ne peut pas forcer les gens à parler de leurs expériences, il faut que ça soit une démarche volontaire.

Le déroulement d’une séance

Avant tout, lors de la séance organisée le week-end dernier, j’ai souhaité proposer deux règles au groupe :

  • la confidentialité : chacun peut être amené à parler d’une situation réelle, et notamment le client qui se met volontairement dans une situation « dangereuse » puisqu’il va parler d’un problème qui le concerne et a priori qui le préoccupe. Il est indispensable que cela se fasse dans un climat de confiance pour tous les participants.
  • le respect : chacun sera amené à parler, et les autres doivent l’écouter sans l’interrompre.

Ensuite, il faut choisir le client ; nous avons donc fait un rapide tour de table pour que chacun puisse présenter une situation à laquelle il ou elle est actuellement confronté.

En effet, il est essentiel que le problème soit actuel et qu’il concerne directement la personne ; ainsi le client pourra « parler vrai ». Il n’est pas possible de présenter le problème d’une autre personne.

Enfin, il faut que le problème soit un problème d’ordre professionnel (ou associatif) et pas un problème personnel : ce n’est pas un groupe de coaching psychologique !

Une fois le client identifié, on a pu commencer la séance proprement dite.

La séance de Codéveloppement professionnel se découpe en 6 séquences, que je détaille ci-dessous :

  1. L’exposé : le client est le seul à parler ; les consultants prennent des notes, mais n’interviennent pas. Le client parle autant qu’il/elle le souhaite, en donnant tous les éléments jugés nécessaires pour présenter la situation.
  2. La clarification : le client répond aux questions posées par les consultants. A cette étape, il ne faut pas commencer à fournir des solutions : le but pour les consultants est de comprendre le point de vue du client, d’avoir les éléments pour comprendre le problème.
  3. Le contrat : le client expose sa demande, ce qu’il attend du groupe, la question à laquelle il souhaite une réponse. Les consultants peuvent demander des précisions, notamment pour définir le périmètre, ou proposer une autre formulation. Au final, il faut que tout le monde soit d’accord sur la question qui est posée.
  4. La consultation : pendant cette phase, le client ne dit rien ; il se contente de tout noter (même les choses sur lesquelles il n’est pas d’accord – et généralement il y en a beaucoup !). Les consultants, à tour de rôle, présentent leurs idées et des pistes pour répondre à la question. Chacun pourra reprendre la parole par la suite, mais toujours avec bienveillance pour le client : il ne s’agit pas de critiquer le client ni de lui donner de lecçons, mais bien de lui proposer de l’aide. Les consultants peuvent ne pas être d’accord ! Chacun expose son point de vue au client, en présentant ses arguments, et surtout en évitant de discuter avec un autre consultant qui aurait un avis différent. Chacun est là pour le client (qui note tout et qui bien souvent bout intérieurement de ne pas pouvoir réagir !) ; celui-ci peut « ouvrir la bouche » dans 2 cas très particulier : s’il estime que les consultants sortent du sujet (ou vont trop loin), ou au contraire s’il souhaite qu’un consultant approfondisse ou explicite davantage un point particulier. Mais le reste du temps: Motus et bouche cousue ! Et en fait, ce moment d’écoute (où on s’interdit de réagir et d’interrompre) est une grande force de la méthode.
  5. La synthèse : Dans les faits, c’est enfin le moment où il peut aussi réagir à ce qui a été dit, par exemple pour expliquer qu’il a déjà essayé de faire ci ou ça, et que ça ne marchera pas. Voila pour moi l’autre grande richesse du codéveloppement : c’est le client qui choisit ce qu’il garde et ce qu’il rejette. C’est lui le meilleur expert de sa situation, et c’est lui qui est capable de savoir ce qui lui convient ou pas. Il est totalement libre ! Il peut tout rejeter, ou tout garder. Et durant cette étape, il présente son plan d’action en reprenant les idées qu’il souhaite mettre en oeuvre.
  6. La régulation et l’apprentissage : en réalité, la séance proprement dite est maintenant terminée, et il s’agit là de faire un tour de table pour que chacun donne son ressenti : est-ce que le client est satisfait de la séance ? Est-ce que le déroulement était bon ? Que faudrait-il faire différemment la prochaine fois ? Pour moi, voici la dernière grande force du procédé : ce n’est pas un schéma parfait, mais grâce à cette dernière étape on pourra s’améliorer la prochaine fois.

Mon ressenti sur cette approche

Le week-end dernier, j’ai eu beaucoup de retours lors de la dernière phase : plusieurs participants étaient totalement frustrés d’avoir été enfermés dans les 6 étapes. Ils auraient voulu plus de souplesse, par exemple pour avoir des réponses du client au cours de l’étape de consultation, car ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas posé toutes les questions utiles lors de la clarification. Ils proposaient même de rajouter une étape de clarification après la consultation, pour que le client puisse à nouveau donner des détails, et que la consultation soit affinée.

Mais d’autres participants au contraire ont dit que c’était agréable de pouvoir parler en étant écouté, car bien souvent le reste du temps on est dans une discussion plus « directe », et on est à la merci d’un participant avec un peu plus de « bagou » que les autres, et donc le charisme fermerait la discussion. Alors que là, chacun pose son avis, sans qu’il y ait de « combat » pour avoir raison, ou simplement pour être écouté.

Pour ma part, j’étais le plus heureux des hommes, car depuis le début j’étais inquiet que ça ne marche pas ! Depuis qu’on avait décidé de faire une telle séance lors du congrès d’hiver, je me demandais s’ils allaient accrocher, si on allait avoir des thèmes, et surtout s’ils allaient aimer et, tout comme je l’avais ressenti avant eux, se sentir grandi après ce moment de partage. Et j’avais là, devant moi, un groupe de gens super excité à l’idée de faire mieux la prochaine fois ! Ca y est, ils étaient accros, et ça m’a rassuré car ça veut dire que ça avait marché ! 😛

Sur le fond, je comprends totalement la frustration des consultants (qui à des moments ne savent pas s’ils tombent juste ou pas) et celle du client (obligé de se taire alors qu’il entends toutes ces idées – qu’il a déjà eues !). Mais je pense que ça fait partie du process ! Et le client a en effet reconnu que s’il avait interrompu les consultants pour leur dire, par exemple, « ce n’est pas la peine on a déjà essayé ça », les consultants ne seraient pas allé plus loin.
Or, du coup, les consultants sont allés plus loin et on fournit des idées inédites. Finalement, c’est donc aussi bien que les consultants n’aient pas toutes les informations, car ça enfermerait leur créativité.

Quand à l’idée de rajouter une étape de clarification, elle est selon moi illusoire : non seulement les consultants n’auront *jamais* toutes les informations (et en plus, comme je l’indique ci-dessus, ce n’est pas souhaitable), mais en plus il faudrait alors une nouvelle étape de consultation, qui générerait de nouvelles questions, justifiant à leur tour une nouvelle étape de synthèse, etc. Et au final on retomberait dans une discussion classique, ou les gens ne s’écoutent plus vraiment et s’interrompent, et où quelques uns tiennent le crachoir.

De plus, cette frustration fait (selon moi) totalement partie du processus ! C’est en fait souhaitable, car c’est bien cette excitation du « je me sens frustré, je peux faire mieux » qui donne envie de recommencer.

Et soyons honnête : je pense qu’on devient vite accro, car pour une fois on a l’occasion d’être écouté(e) !

Très franchement, quand j’ai fait ma première séance, j’avais envie d’être client ! Pour avoir des solutions bien sûr ; mais aussi (surtout ?) pour pouvoir parler de la situation qui me préoccupe 🙂

Franchement, aujourd’hui dans votre entreprise, ça vous arrive souvent à vous de vous sentir en confiance pour parler comme ça à un collègue ?

Enfin bref, la beauté du codéveloppement professionnel, c’est qu’on en ressort avec des idées qu’on n’avait pas eues, peut-être des choses qu’on n’avait pas voulu entendre jusque là, et que ça nous donne des armes pour mieux faire face au monde professionnel, car on profite de l’expérience des autres en plus de la sienne. Et dans tous les cas, vous êtes libre de prendre ce qui vous intéresse, et d’oublier le reste : personne ne vous donne d’ordre ou d’instruction, c’est vous qui choisissez ce qui vous aidera.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter le site de l’Association Française du Codéveloppement Professionnel.

N’hésitez pas à laisser vos commentaires !

Roland

* Il sont forts quand même ces Canadiens ! Ô Canada…

Roland

Actuellement IT Services Manager (France) au sein de la société Wolseley. Diplômé du Master MIAGE en 2006 à Lyon. Année d'échange à l'Université de Toronto en 2004-2005. Organisateur des Journées Nationales MIAGE en 2004 à Lyon. Président de l'Association des Miagistes Lyonnais en 2003. Vice-Président Etudiant de l'Université Lyon 1 entre 2000 et 2002.

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1 réponse

  1. Hoffner Anne dit :

    Bonjour Roland,

    je viens de tomber par chance sur ton récit de séance de Codev avec tes collègues de MIAGE : enchantée de te lire, aussi accro et transmettant ainsi ton enthousiasme !

    Quand tu rentreras , surtout fais nous signe (anne.hoffner@sfr.fr) pour qu’on puisse reprendre cet échange , approfondir peut être les connaissances sur cette démarche ;
    Je te souhaite une belle fin d’été (même si tu es peut être sous d’autres cieux)
    Amicalement,
    Anne H.