Vous avez dit HADOPI ?
HADOPI?
Ce projet de loi prévoit la création de la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI). Cette institution aurait pour mission de garantir l’interopérabilité des DRM et la surveillance des droits d’auteurs sur Internet, en mettant en place une réponse graduée au téléchargement illégale (email d’alerte, lettre recommandé, coupure d’internet, amendes, …). Ce texte est débattu à l’Assemblée Nationale depuis une semaine.
En flagrant délit
Il fut un temps question de mettre en place une « liste blanche » des sites Internets fréquentables, mais cet amendement a été écarté vendredi dernier (en espérant qu’il ne revienne pas par la porte de derrière). Ce mode de fonctionnement reviendrait à un Internet totalement contrôlé comme c’est déjà le cas en Chine.
Le principe qui semblerait retenu consisterait en des fichiers « piégés » mis en circulation par les majors et déclarés à la CNIL. En cas de constat d’infraction, l’HADOPI contacterai alors votre fournisseurs d’accès qui lui transmettrait vos coordonnées… Et en cas de récidive, vous seriez sanctionné (coupure Internet) avant même votre jugement, une première en législation française.
Affiche HADOPI (c) Geoffrey Dorne
« Quand on va dans une boulangerie on paye sa baguette de pain : pour la musique c’est pareil. »
Ce slogan était une action de communication lancée par Publicis en 2006, au moment de la loi DADVSI. Il avait été repris à l’époque par de nombreuses stars françaises, et plus récemment par nos artistes et politiques sur les plateaux de télé (on ne change pas une com qui marche).
Sans vouloir donner de leçon d’économie (ce n’est pas mon domaine), on ne peut accepter ce genre de comparaison réductrice. Nous sommes face à une révolution comportementale et industrielle, les majors aujourd’hui ne le comprennent pas et n’y ont aucun intérêt financier, elles voudraient que tout reste comme maintenant mais ça ne sera pas le cas :
- La dématérialisation est passée par là : nous n’avons plus besoin de support physique de type CD, DVD ou autre. Aujourd’hui, nous stockons encore sur des mémoires ré-inscriptible de nos baladeurs MP3 mais demain nous utiliserons directement des services de streaming comme Deezer. Dès lors il devient difficile de « protéger », les biens culturels de manière unitaire.
- Les modes de consommation changent : nous passons d’une industrie du bien culturel à une industrie de service culturel (Deezer pour la musique, kiddle pour les livres, Freehome, steam pour les gamers, …). Dès lors les modèles économiques doivent s’adapter. De plus en plus, je suis persuadé que les internautes refuseront de payer un produit (i.e. : un morceau de musique) mais seront prêts à payer un service (i.e. : accès à un catalogue via un abonnement).
- La musique n’est pas une baguette de pain : Le coût marginal des biens sur le net est de 0€ ! Quand une chanson a été numérisée, qu’elle soit téléchargée 1 ou 1 000 000, le coût est le même, contrairement à un CD où les coûts diminuent avec le volume. Dès lors, il est incompréhensible qu’un bien sur Internet soit proposé au même prix que le même sur support physique (le majors argueront que c’est pour ne pas s’auto-concurrencer… Mais c’est surtout pour augmenter leurs marges).
- L’argument des droits d’auteurs est une vaste blague : Pour la musique, la grande majorité des recettes des ventes de disque va directement dans la poche des majors, les artistes, mis à part quelques grands noms, vivent principalement des recettes de leurs concerts. Pour le cinéma, le problème est bien plus complexe en revanche, mais je suis persuadé que la principale raison des baisses de fréquentation est le prix de la place (et encore 2008 bas tous les records).
Evolution du coût moyen de la place de cinéma en France :
- 1960 : 1,86 Francs
- 1970 : 4,78 Francs
- 1980 : 16,13 Francs
- 1990 : 31,40 Francs
- 2000 : 45 Francs
- 2009 : environ 9,50 € (60 Francs)
Sources : 1960 à 1990 : senat.fr. 2000 et 2009 : mes fonds de poches.
Affaire à suivre
Je suis toujours choqué de voir l’inculture du politique, quelque soit son bord politique, face au numérique et la mauvaise fois des majors. Il est inquiétant de voir que des initiatives liberticides tentent certains députés pour contourner des problèmatiques techniques et juridiques mais il est aussi rassurant de voir que ce n’est pas non plus général.
Attention, je ne prône aucunement le piratage, simplement je suis énervé qu’on ne cherche pas à développer de nouveaux tissus économiques légaux sur le web surtout en cette période d’économie morose.
Enfin, mon avis est que de toute façon cette loi est tellement en retard sur son temps qu’elle ne sera pas applicable, dommage pour les 3 déconnectés qui se feront prendre pour passer au journal de 20h.
Pour aller plus loin, je vous conseil la lecture du dossier de presse de SVM, voir le visionnage des débats pour les plus courageux.
Un peu de bonne humeur tout de même
On risque d’en reparler mais en attendant, une petite vidéo de Mozinor pour prendre un peu de recul et rester de bonne humeur 😉
La memere dans la peau
envoyé par mozinor
Autre problème qui n’est pas vraiment débattu dans cette loi :
La coupure de la ligne internet signifiera pour les internautes dotés d’une « box » (la plupart à ce jour je pense) la coupure pure et simple de leur offre triple-play (internet, TV et téléphone).
Pourquoi ? Quel est le lien entre ces 3 services différents ?
Aucun, les FAI ne peuvent simplement pas à ce jour techniquement séparer ces 3 services… Et s’ils le pouvaient, voudraient-ils investir de grosses sommes pour mettre en place un nouveau système ne leur rapportant aucun bénéfice, en poussant la réflexion on pourrait imaginer que ces dépenses seraient répercuter sur les tarifs des offres ?
Enfin, pour reprendre ce que tu as dit Thomas, je trouve également vraiment dommage que cette loi se concentre uniquement sur la répression, et ne propose aucun nouveau système malgré l’évolution des moeurs.
En effet, le streaming est de plus en plus utilisé autant dans la musique que la vidéo, cette loi est donc obsolète avant sa création…
Et surtout : prendre l’IP comme identifiant d’un ordinateur… Tsss…
D’un point de vu technique, cette loi pose énormément de problèmes :
– beaucoup de gens ont un email de type gmail et ne regardent pas le mail de leur FAI, rien n’obligeant quelqu’un à relever les emails de son mail FAI, comment est-il averti la première fois ?
– rien n’affirme qu’un utilisateur a bien reçu le mail. On ne peut pas passer à la seconde étape de la procédure si la première n’a pas été menée à bien
– beaucoup de gens utilisent le wifi, et il est possible de « pirater » ces réseaux
Et en cherchant on doit pouvoir trouver encore beaucoup de problèmes techniques.
Une offre qui était très intéressante (existe t-elle encore ?) était l’offre d’orange de 12euros / mois (elle était limité à 1000 albums / mois, mais ça laisse une bonne liberté).
Dommage que les majors soient réfractèrent à tout et se battent contre ce genre d’offres. Je suis sur qu’avec une bonne réflexion et tout le monde autour d’une table on pourrait trouver un nouveau modèle économique qui satisferait tout le monde.
Effectivement sur la forme la loi a un train de retard et ne sera pas applicable (même Bruxelles est en train d’y jeter un oeil).
Mais moi je me pose la question du fond (ou des 2 fonds)…
1- On peut parler pendant des heures de la rémunération des artistes, des distributeurs, des majors,… Mais la discussion ne tourne ni plus, ni moins qu’autour d’un VOLE.
Et là, autant je peux comprendre qu’on vole de la nourriture parce qu’on a faim, qu’on squatte une propriété privée parce qu’on a froid… autant j’ai beaucoup de mal à comprendre qu’on vole une oeuvre artistique. Et j’ai encore plus de mal à comprendre qu’on puisse justifier ce vole.
2 – L’accès à l’art
Plus qu’un débat sur cette loi ce qui serait bon c’est un débat sur l’accès à l’art. Et aujourd’hui, malgré ce qu’on peut penser il existe des tas de moyen d’y accéder à prix « réduit » (voire gratuitement) : les bibliothèques (oui oui !), les grands magasins qui permettent l’écoute de CD avant l’achat, les musées gratuits certains week ends, et puis sur internet il existe également une énorme possibilité d’accès légalement à toute forme d’arts (Thomas les a cités).
Et désolé, mais je trouve cette offre est assez importante pour injustifier le piratage.
Seulement le consommateur veut « posséder » cet art (cd, mp3, photo,…). D’ailleurs malgré le fait d’être passé à de l’immatériel on « possède » un fichier de la même manière qu’on « possède » une voiture.
(J’en ai même vu qui vont jusqu’à filmer un concert pour « posséder » ce live… sans en profiter!)
==>
Ma petite conclusion :
Ok, la forme n’est pas la mieux adaptée mais au moins elle sensibilise et même responsabilise les gens face au téléchargement illégal.
Si je suis un bon citoyen qui ne vole pas je ne vois pas en quoi cette loi « liberticide » peut me gêner.
Effectivement les « majors » ou les distributeurs doivent proposer une offre légale et accessible au média numérique. Pour ça tout le monde est d’accord.
Mais j’ai une autre question : Pourquoi le consommateur ne changerait pas aussi ses habitudes de consommation « possessive » ?
En ce qui concerne le wifi, autant le couper et se servir d’un bon cable RJ45 😉 Pour me pirater il va falloir venir chez moi !
PS: y a pas de « e » à vol mais mon correcteur orthographique a pété un plomb… (open office 🙂 )
@ Julien : pour répondre à ta question, c’est la loi de l’offre et la demande rapporté à un besoin et si l’offre ne satisfait pas le besoin alors on contourne l’offre. Et je ne suis pas sûr que le téléchargement soit lié à un désir de possession, mais qu’au contraire que les biens culturels sont devenu des « consommables jetables » et du coup ce n’est pas forcément l’achat d’un fichier spécifique qui intéresse le consommateur. Je pense qu’on vit vraiment un changement radical similaire à la création des radios FM…
Le projet pose quand même pas mal de soucis techniques car comme souligne JC, il assimile une IP à une personne, alors qu’à minima une IP = un foyer. De plus, il n’y a rien de plus facile à masquer que son IP… donc les recelleur du net ne se feront pas choper.
Sinon vous avez vu : Mme Albanel a marqué un point Godwin ce vendredi, il va falloir clore rapidement ce débat 🙂
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin
Bonsoir 🙂
Très bon article ! 🙂
Je suis très touché de voir mon affiche sur votre blog, pourriez-vous juste rajouter le crédit de cette affiche (www.Jaffiche.fr) s’il vous plait ?
Cordialement,
Geoffrey Dorne
@Maxime
pourquoi est-ce que les majors feraient l’effort d’une « bonne réflexion » pour trouver un nouveau modèle économique quand les politiques sont d’accord pour suivre les conseils de lobbies et protéger les intérêts des gens en place ?
qu’y gagneraient-ils ?
rien, et c’est pour ça qu’on a hadopi, et pas autre chose…
byz++
roland
Je l’ai déjà dit et tu le soulignes dans ton sujet : techniquement la loi est inapplicable. Ce qui rend d’autant plus triste le temps et l’argent dépensés à l’élaborer.
Le modèle de consommation de biens culturels jetable est celui vers lequel on va tendre à mon avis. Mais les Go téléchargés chaque jour montrent que ce mode n’est pas mûr dans les têtes. Pourtant l’offre devient de plus en plus importante (tu as bien cité un diffuseur « jetable » pour chaque média artistique).
Pour reprendre l’idée de l’automobile, c’est un bien qui aurait pu devenir jetable depuis des années : cf. New Deal ou autre offre de location longue durée… mais le modèle n’a pas explosé parce que le consommateur français est possessif (oui j’insiste) 🙂 .
N’empêche que l’évolution des moeurs de consommation artistique (que ce soit de ton point de vue ou du miens) ne donne aucune réponse sur le vol artistique pur et dur.
Je me rends compte que c’est peut-être des idées complètement rétrogrades, que la bataille est peut-être déjà perdue. J’espère comme tout le monde que la perte sera plus importante du côté distribution que du côté artistique.
@Geoffrey : crédit et lien ajouté pour ton affiche (très belle au passage) 🙂
Toutes mes excuses pour cet oubli
@Thomas : merci :))) aucun soucis ! Je découvre ton blog, très très bien 🙂
@Julien : cf mon point 3 sur les coûts marginaux, c’est difficile de comparer ça à des bien physiques tel que l’automobile.
Quand bien même je veux posséder ce bien, reconnaissons quand même que certain commerçant comme la fnac intègre cette notion et le répercute sur son prix de vente, exemple le dernier album de Metalica couté 22€ en magasin et 9.90€ en téléchargement http://musique.fnac.com/a2495478/Metallica-Death-magnetic-CD-album?Mn=-1&Ra=-28&To=0&Nu=1&Fr=0
Quid quand meme des DRM 🙂
Pourquoi ne font-ils pas de la pub pour ça plutôt que de faire du lobbing sur cette loi?
0pinion de Paul Krugman, prix Nobel d’économie sur le sujet : http://www.nytimes.com/2008/06/06/opinion/06krugman.html?_r=1
Initiative intéressante pour être soulignée, suite à des échanges sur ce texte Jacques Attali annonces qu’il mettra en téléchargement ses livres pour 40cts, son analyse est aussi intéressante : http://attaligratuit.wordpress.com/
La vraie opinion d’un pro du web 2.0 : http://www.henrymichel.com/web-20/la-chronique-web-20-de-jean-rene-craypion-ep-2/
Moi je suis tout à fait d’accord avec ses idées !!
http://reseaudespirates.org/
« L’argument des droits d’auteurs est une vaste blague : Pour la musique, la grande majorité des recettes des ventes de disque va directement dans la poche des majors, les artistes, mis à part quelques grands noms, vivent principalement des recettes de leurs concerts »
C’est complétement faux. C’est même carrément l’inverse, la plupart des artistes, surtout les indépendants vivent en majorité des ventes de disques. Les concerts perdent mêm de l’argent parfois, car ils sont considérés comme faisant partie de la promotion.
En plus cette loi peut générer d’énormes détournement, que les déptés n’ont pas l’air d’avoir envisagé, aveuglé par l’application stricte des conseils des majors qui veulent que « les artistes » = « les chanteurs connus dont ils sont les ayant droits ».
Manque de chance, tout le monde peut être auteur et donc bénéficier de cette loi, et donc, pourquoi pas, couper internet à n’importe qui:
http://www.mariejulien.com/?post/2009/03/19/Hadopi-comment-faire-capoter-une-loi-et-prouver-son-absurdite-en-3-etapes-simples
Si vous avez le courage de lire l’édito de Philippe Val : http://www.mikiane.com/files/editoval.jpg
La réaction de Mikiane : http://www.mikiane.com/node/2009/03/24/il-faut-expliquer-epsilon-et-linfini-philippe-val
Une question,un reportage sur dailymotion en téléchargement real player,je suis un vilain pirate ou pas ?
Parce que je vais pas attendre qu’il la coupe la ligne je vais le faire moi même !
Décidement, les majors ne savent pas quoi inventer alors qu’ils sont en train d’essayer de stopper la mise à disposition des biens culturels sur internet, leurs enfants sont en train d’apprendre à utiliser des proxy pour masquer leur adresse ip… Ceux qui se feront attraper sont les quelques irréductibles qui utilisent encore emule… Bientot, toute personne de 20 ans ayant un accès a internet saura se connecter avec un proxy = sans ip ils font comment pour condamner les gens ?
Comme la loi est en discussion à l’assemblée c’est bien de poster sur l’avancée des débats :
http://www.framablog.org/index.php/post/2009/04/02/hadopi-albanel-pare-feu-open-office-logiciel-libre
Hum hum…
Voilà donc pourquoi cette loi coute beaucoup d’argent pour rien.
Je confirme quand même, je suis pour une régulation !… si elle est faite par des gens éclairés.
D’ailleurs je suis totalement contre le fait qu’on nous oblige à nous protéger. Je ne vois pas pourquoi je pourrirais mon ordinateur avec des logiciels qui bouffe du temps CPU (ou alors l’état me rembourse ce temps CPU !!!). 🙂
Sans rire… ils se rendent compte que les tribunaux vont devoir instruire ces affaires après ?! Y a de l’avenir en fac de droit !!
-> On va même pouvoir se retourner contre l’éditeur du pare-feu qui n’a pas su nous protéger correctement ! 😀
@Julien. Comment dire : ça fait peur, ils savent de quoi ils parlent. Dans certains cas le silence est d’or…
Perso je reste contre la régulation : à partir du moment ou on met des outils dans les mains des gens, qu’on laisse passer 10ans, c’est aux marchés de s’adapter et de trouver des solutions…
@aSKer : attention de ne pas tout confondre, proxy = IP différente (celle du proxy et non plus celle du pc d’origine), même si ça complexifie un peu les choses mais on peut quand même tracer l’origine de la connexion. Maintenant pour le peu qu’on passe par une connexion VPN entre son PC et le proxy, là ça devient encore bcp plus complexe… 😉